Entretien avec Jeanne Leblond Chain

 

Bonjour Jeanne, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Je m’appelle Jeanne Leblond Chain et je suis chercheur de classe normale à l’INSERM depuis le 1er avril 2019. Chimiste de formation, j’ai fait tout mon parcours en sciences pharmaceutiques, et plus précisément dans la vectorisation de médicaments et de matériel génétique.

Aujourd’hui, j’ai rejoint l’équipe ChemBioPharm et je dirige le groupe de recherche « Targeted Aptamers, Medicines and Sensing » qui développe des systèmes de vectorisation ciblés et dynamiques à l’aide d’aptamères, ces séquences d’ADN capables de reconnaître sélectivement une cible dans le corps, et de nanoparticules lipidiques, telles que celles qui sont utilisées pour les vaccins ARN.

 

Que faisiez-vous ? Vos motivations pour rejoindre ARNA ? 

J’ai été professeure à l’Université de Montréal pendant 8 ans, de 2011 à 2018. Au Canada, j’ai enseigné aux étudiants en pharmacie à l’université, et j’ai également dirigé mon laboratoire de recherche sur la vectorisation ciblée de médicaments et de gènes. Pendant cette période, j’ai développé des nanoparticules pH-sensibles qui permettent d’encapsuler des principes actifs ou des gènes, de les transporter de façon stable dans le sang et de les livrer dans le cytoplasme de la cellule, en limitant la dégradation dans les endosomes, ce qui est un problème majeur de ces nanoparticules. Aujourd’hui, ce sont ce type de nanoparticules qui sont utilisées dans les vaccins à ARN de Moderna et Pfizer/BioNTech. 

J’ai été intéressée par l’équipe ChemBioPharm car ils étudient les bioconjugués entre les oligonucléotides et les lipides, qui sont les molécules avec lesquelles je travaille depuis longtemps. Nos intérêts en vectorisation se rejoignent. De plus, le laboratoire ARNA a la meilleure expertise en France sur la technologie des aptamères. Ces petites séquences d’ADN ou d’ARN permettent de reconnaître une cible (qui peut être une petite molécule à une cellule ou un tissu entier) avec une grande affinité et sélectivité. Ils sont facilement utilisés comme agents de ciblage pour les nanoparticules. Comme ce sont des séquences d’ADN ou d’ARN, il est possible de les modifier, et de les assembler à la façon des blocs de construction. Pour ma part, j’aimerais les utiliser à la fois pour transporter les médicaments, pour reconnaître la cible biologique à traiter, et pour leur capacité à changer de conformation en présence de leur cible, ce qui permettrait de libérer les principes actifs seulement au bon endroit, en présence de la maladie.

 

Vous venez de rejoindre l’équipe en tant que chercheure, quels sont vos projets pour la suite ?

Pour les années à venir, j’aimerais animer le groupe de recherche TAMS afin que chaque chercheur trouve sa place dans un projet commun. Nous avons des compétences en sélection d’aptamères, en modification et optimisation de séquences, en analyse chimique, biochimique et biophysique, en formulation de nanoparticules, en culture cellulaire etc. Cela nous permettrait de concevoir des systèmes de vectorisation, et d’analyser leur capacité de chargement, leur libération contrôlée en fonction de différents stimuli, et leur biocompatibilité in vitro et in vivo.

En particulier, j’aimerais transporter des médicaments grâce aux aptamères ou aux nanoparticules lipidiques, et contrôler leur libération en présence d’un biomarqueur de la maladie. Actuellement, les stimuli auxquels répondent les nanoparticules sont souvent le pH, la température, les milieu réducteur ou la lumière. Avec les aptamères, il serait possible de libérer un médicament en présence d’un marqueur de l’inflammation, de l’ATP, d’un neurotransmetteur… qui sont présents dans le corps et peuvent être caractéristiques d’une maladie.

Cela fait partie du Grand Projet de Recherche « Frontiers of Life » de l’Université de Bordeaux (soumis en 2020). Nous sommes financés par l’Université de Bordeaux (IdeX et département Sciences et Technologies pour la Santé), par la Région Nouvelle Aquitaine, par le Cancéropôle Grand Sud Ouest, par la Ligue Contre le Cancer, par l’association Vaincre La Mucoviscidose. Au niveau des maladies, nous avons des collaborations sur le cancer (glioblastome, mélanome) et sur les maladies génétiques (mucoviscidose) avec le CHU de Bordeaux.

 

Sélection de publications:

·      Passos Gibson V., Derbali R.M., Phan H.T., Tahiri H., Allen C., Hardy P., Leblond Chain J.* Survivin silencing improved the cytotoxicity of carboplatin and melphalan in Y79 and primary retinoblastoma cells; International Journal of Pharmaceutics, 2020, 589, 119824.

·      Passos Gibson V., Fauquignon M., Ibarboure E., Leblond Chain J.*, Le Meins JF*. Switchable lipid provides pH-sensitive properties to lipid and hybrid polymer/lipid membranes, Polymers, 2020, 12, 637.- (IF : 3,771)

·      Mbarek A., Moussa G., Leblond Chain J.* Pharmaceutical Applications of Molecular Tweezers, Clefts and Clips, Molecules, 2019, 24(9): 1803 (IF: 3,060).

·      Derbali R.M., Tehrani S.F., Frei G., Aoun G. Campos Del’Orto J., Hildgen P., Roullin V.G., Leblond Chain J.* Tailored nanocarriers for the delivery of levofloxacin against Pseudomonas aeruginosa : a comparative study, Molecular Pharmaceutics, 2019, 16 (5), 1906-1916. (IF: 4,556).

·      Tabatabaei S.N., Derbali R.M., Yang C., Superstein R., Hamel P., Leblond Chain J., Hardy P. Co-delivery of miR-181a and melphalan by lipid nanoparticles for treatment of seeded retinoblastoma, J. Controlled Release, 2019, 298, 177-185. (IF: 8,407).

·      Plourde K., Derbali R.M., Desrosiers A., Dubath C., Vallée-Bélisle A., Leblond J.*, Aptamer-based liposomes improve specific drug loading and release, J. Controlled Release, 2017, 251, 82-91. (IF: 8,407).

·           Viricel W., Poirier S., Mbarek A., Mayer G., Leblond J.*, Cationic switchable lipids: pH-triggered conformational switch for siRNA delivery, Nanoscale, 2017, 9 (1), 31-36 (IF: 7,76)